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Montesquieu, éminent juriste, humaniste et penseur du XVIIIe siècle, auteur de L’Esprit des lois, affirma qu’« une injustice faite à un seul est une menace faite à tous ». Cette maxime commande au citoyen de dénoncer tout déni de justice.

Si conforme puisse-t-elle être aux exigences de la loi et des règlements, une ordonnance du 2 décembre 2019 du Conseil d’Outremont n’en constitue pas moins un tel déni. Nonobstant d’importantes recommandations de l’Ombudsman de Montréal, sans égard non plus pour le Conseil consultatif en urbanisme (CCU) qui ne fut pas saisi du dossier et, plus que tout, en dépit de préjudices aux voisins, elle annule une ordonnance de septembre 2017 qui en protégeait les intérêts légitimes.
L’ordonnance de 2019 avalise une demande d’occupation permanente du domaine public. En l’occurrence, le domaine visé était occupé depuis des années par le propriétaire du 34, Maplewood sans autorisation réglementaire. L’obligation de le démanteler lui avait pourtant été signifiée par écrit il y a plus de deux ans sous l’ancien Conseil.
Selon le maire Philipe Tomlinson, la nouvelle ordonnance est conforme au Règlement AO-48. En effet, ce règlement dit que, par résolution, le Conseil peut autoriser l’occupation du domaine public. De son côté, toutefois, le Règlement de zonage affirme œuvrer à préserver, au nom du bien commun et de la qualité de vie, les groupements d’établissements humains d’usages homogènes. J’y reviendrai.
Remontons aux origines de l’imbroglio. En 2017 ou auparavant, consciemment ou non, mais en infraction au Règlement AO-48 puisque sans autorisation du Conseil, le propriétaire du 34, Maplewood fit construire des murets en pierre à la sortie de son garage sur le domaine public. Un constat lui fut remis en juin 2017. Il soumit alors une demande d’occupation permanente dans l’espoir, on imagine, de régulariser la situation. Le 5 septembre 2017, par la Résolution CA17 16 0376, le Conseil la refusa. Le 3 octobre 2017 un inspecteur de l’arrondissement l’informa par lettre de son obligation de démanteler les murets dans les trente jours: il n’y obtempéra jamais.
Le 5 novembre 2017, les élections portèrent un nouveau Conseil au pouvoir à Outremont.
Le 2 décembre 2019, le nouveau Conseil autorisa l’occupation permanente du domaine public occupé illégalement par le propriétaire du 34, Maplewood. L’historique est résumé succinctement sous la rubrique CONTEXTE du sommaire décisionnel de la Directrice de l’arrondissement :
C’est laconique et sérieusement incomplet.
Le Règlement de zonage cherche à établir l’harmonie du paysage bâti et, là où il existe, à le maintenir. Je me suis rendu sur place. Les murets et le nouveau bâti détonnent. Si, toutefois, les experts du CCU en avaient jugé autrement, ma conscience me dicterait de me plier à leur évaluation. Toutefois, en 2017 leur jugement fut défavorable et on ne leur a pas demandé de réexaminer le dossier.
L’Ombudsman recommanda notamment qu’après examen des modifications apportées à la propriété sans l’approbation requise, le CCU formule des recommandations au Conseil d’arrondissement; que le Conseil décide comment y réagir et voit à l’exécution fidèle de ses décisions; qu’il fasse retirer les murs construits sur la marge de recul de la propriété; qu’il mesure le pourcentage d’occupation du sol par le bâti modifié, en fasse rapport à l’Ombudsman et assure le respect de la réglementation pertinente; qu’il veille à la conformité des constructions modifiées aux plans approuvés et aux règlements et, là où elles ne le seraient pas, les fasse rectifier pour les rendre conformes1.
La Résolution du 2 décembre 2019 ne tient compte d’aucune de ces recommandations. Non contraignantes, elles n’en possèdent pas moins une valeur morale. Leur rejet par M. Tomlinson eût au minimum commandé une explication raisonnée. En l’occurrence, tout en reconnaissant ce qu’il qualifia dédaigneusement de « frustration », le maire ne s’attarda pas aux préjudices infligés aux voisins. Il s’appliqua plutôt à justifier l’ordonnance: « Nous faisons fi de quelques commentaires de l’ombudsman. On a consacré beaucoup de temps, beaucoup d’argent et nous choisissons de mettre enfin un terme à ce dossier; on arrête de dépenser… On va faire quelque chose la prochaine fois2 ».
Quelques commentaires? Comme s’il s’agissait de presque rien? Mon œil: la majorité des recommandations! Combien de temps le maire a-t-il consacré au litige? Combien d’argent? La résolution de 2017 était-elle insuffisante? défectueuse? En quoi n’était-elle pas contraignante? Pourquoi, alors, n’en avoir jamais exigé le respect? Parce qu’elle indisposait le propriétaire du 34, Maplewood?
Pour légitimer l’ordonnance de 2019, le maire invoqua l’incurie d’une administration mais, l’administration en question, c’était la sienne! Il la dirigeait depuis deux ans. Au nom de ce qu’il appela bizarrement « l’intérêt public », sans s’en rendre compte il reconnut sa capitulation à l’usure et à la perspective de dépenses supplémentaires dans cette affaire litigieuse. Voilà le fond de l’affaire.
La raison donnée dans le sommaire décisionnel de la DAUP pour justifier la demande est que « ces murets […] ne sont pas étrangers à ce que l’on retrouve ailleurs sur le territoire […] ». Pas étonnant qu’on en trouve sur les 384 hectares du territoire d’Outremont, mais le bâti y varie d’un secteur à l’autre. Les murets visés sont néanmoins étrangers à l’avenue Maplewood dans le voisinage du 34. Cette incohérence est irréconciliable avec l’esprit du Règlement de zonage; elle porte à conclure que, si consulté, le CCU eût, de nouveau, recommandé le refus des murets. Ceci expliquerait-il l’absence de consultation?
Revenons au rapport de l’Ombudsman. On y trouve de rudes critiques de l’administration, notamment de son manque de collaboration dans l’enquête d’un an et demi3. Plus encore: « L’arrondissement n’applique pas de manière équitable […] les règles qui régissent les PIIA, les dérogations mineures, les aménagements dans les marges de recul et les permis requis4 ».
« Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous ». Ensemble, le maire Tomlinson, les conseillères Magini, Patreau et Pollak ont adopté une ordonnance injuste à l’endroit des voisins du 34, Maplewood. Qui seront les prochaines victimes de leur incurie?
Il est impératif de défendre certains principes, quel qu’en soit le prix. Bien compris, l’« intérêt public » interdit l’abandon des droits, des intérêts légitimes d’un seul citoyen afin d’éviter le travail ou les dépenses nécessaires pour en assurer la sauvegarde. Si nous, les citoyens, passons l’éponge sur cet outrage, à Outremont « la raison du plus fort [sera] toujours la meilleure » et, « selon que [nous serons] puissants ou misérables, les jugements de cour [nous] rendront blancs ou noirs ». De plus, le précédent établi risque d’enténébrer la qualité de notre vie civique et ternira pour toujours notre réputation.
Pierre Joncas
1. Aux pages 32 et 33 de son rapport du 17 juin 2019, que l’on peut lire à https://ombudsmandemontreal.com/wp-content/uploads/2019/06/RA_ODM_2018_FR.pdf2. Voir « LUNDI FOU » AU CONSEIL par Michel Joanny-Furtin, publié le 5 décembre 2019 dans Le Journal d’Outremont, et visionner l’enregistrement de la séance du Conseil du 2 décembre à partir de 1h44’28”, et surtout de 1h51’. Mon caractère gras.
3. p. 13.
4. p. 14. Mon caractère gras.
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Commentaires
Quand une administration n’a pas le courage de faire respecter ses propres règles, on tombe dans l’arbitraire et le favoritisme et c’est comme ça que les dictateurs s’y prennent pour se maintenir au pouvoir.
Pourquoi M Tomlinson a t il favorisé le voisin qui n’était pas dans son droit plutôt que l’autre? Le voisin ainsi favorisé a t il des faveurs à Projet Montréal
?