Les amateurs de balades dominicales se déplaçaient de Montréal en carriole pour venir admirer cette belle demeure de l’autre côté de la montagne. Outremont, disait-on, un nom qui deviendra l’odonyme d’une ferme, d’une ville, d’un arrondissement.
PHOTO ARCHIVES NOTMAN C’était au XIXe siècle. S’il fut l’objet de tant d’admiration à l’époque, le Manoir McDougall continue de susciter un intérêt certain sur le plan historique et architectural. En 2016, l’historien François Rémillard l’inclut dans son palmarès des 40 Belles demeures historiques de l’île de Montréal. Une villa Regency d’inspiration britannique, dit-on, elle est « à l’image des demeures évoquées dans certains romans de Jane Austen et de Charles Dickens »1. C’est la deuxième plus ancienne résidence de l’arrondissement2 . Une dizaine de propriétaires se sont succédé depuis 1838. Nous avons rencontré les derniers en titre, Sandra Schock et Jacques Théorêt.
Retour vers le passé
1833 – Au nord du chemin de terre qu’était la Côte-Sainte-Catherine, le propriétaire foncier Louis-Tancrède Bouthillier, Montréalais de naissance mais de père originaire de La Rochelle, acquiert une grande terre sur laquelle il complètera en 1838 une imposante demeure. Le territoire qui deviendra Outremont compte, à l’époque, moins de 300 âmes. Parmi les propriétaires, quelques têtes d’affiche comme David Lorn McDougall, un financier d’origine écossaise, président et fondateur de la Bourse de Montréal, propriétaire à partir de 1856 pendant 31 ans. En 1887, les Clercs de Saint-Viateur y logèrent leur Institut catholique des sourds-muets et aménagèrent à l’arrière de la grande maison une ferme-école avec bêtes et potager. La bibliothèque de l’actuelle résidence aurait servi de chapelle pendant une certaine période. C’est en 1907 que le nouveau propriétraire Mendoza Langlois ajoute deux logements contigus au bâtiment principal où habiteront quelques années plus tard le fondateur du quotidien Le Devoir Henri Bourassa et le rédacteur en chef Omer Héroux. Ces deux logements, jumelés en 1918, deviendront le 223 McDougall.
Une maison qui a du caractère
L’histoire et le caractère de cette belle d’autrefois ont été un coup de cœur en 1995 pour les propriétaires actuels. Dix pièces au rez-de-chassée et à l’étage dont plusieurs sont munies de foyers, indispensables en 1838 pour garder les chambres chaudes le soir venu. Séduisants, les détails ornementaux sur les murs, le marbre et le bronze sur les manteaux de cheminée, les hauts plafonds, les chaleureuses boiseries du grand escalier menant à l’étage, l’imposante salle à manger avec vue sur l’avenue McDougall. En plus, un impressionnant grenier, probablement fidèle à ce qu’il était au tout début, et un grand sous-sol qui met à nu les pierres robustes des fondations. « Ne vous sentez-vous pas comme dans un musée? » a-t-on demandé aux propriétaires? « C’est une maison facile à vivre, grâce à sa forme un peu carrée, pas de couloir en enfilade, on s’y retrouve facilement », de répondre le copropriétaire Jacques Théorêt. « Nous nous sentons bien ici, nous aimons beaucoup cette maison et tout autant le quartier », renchérit Sandra Schock, l’autre propriétaire. La maison était en très bon état à l’achat. Des améliorations ont été apportées au fil du temps, cuisine et salle de bain réaménagées, le décor refait au rez-de-chaussée en respectant les ornements sur les murs et les couleurs naturelles des matériaux. C’est une maison magnifique.
Les propriétaires actuels ont créé de belles ouvertures sur l’extérieur, comme dans la bibliothèque.La grande qualité de cette résidence c’est le respect de son intégrité dans la modernisation des lieux. Par exemple, on n’a pas mis de murs à terre pour faire de plus grandes pièces, comme c’est pratique courante aujourd’hui. On a considérablement amélioré les entrées de lumière et changé les fenêtres pour en faire de belles ouvertures sur l’extérieur. On a conservé les nombreux foyers mais aménagé l’un d’eux au gaz naturel, les autres ayant été condamnés depuis plusieurs années. La contribution des Schock-Théorêt a été de moderniser la maison et ses fonctions, d’entretenir comme un trésor les matériaux d’origine et de mettre en valeur le caractère unique du bâtiment et du très beau jardin à l’arrière.
Les traces de l’histoire
Il y a bien sûr les poutres d’origine dans le grenier et les matériaux nobles du rez-de-chaussée. Il y a aussi les traces discrètes, dans un placard ou derrière une porte, que les propriétaires affectionnent particulièrement. On a retrouvé au grenier, des restes de coupures d’un journal de 1910 collés sur les parois d’un comble, annonçant une vente de frigo à 5 $. Au sous-sol, on a compris l’épaisseur de la fondation quand il a fallu la traverser en largeur pour faire passer une connection, les outils de perçage habituels étant insuffisants. Les murs extérieurs de brique qui avaient été recouverts à deux reprises de stuc blanc, font surface dans quelques petits racoins de la maison. On a beau faire évoluer la maison pour la mettre au service des nouveaux besoins, il en restera toujours quelque chose, si ce n’est le souvenir des envolées nationalistes d’Henri Bourassa qui planent encore au-dessus de cette demeure patrimoniale.
1 Belles demeures historiques de l’île de Montréal, p. 172, Éditions de L’Homme, 2016,
2 La plus ancienne étant la maison Imbault, propriété du journaliste Normand Lester, située au 637 Côte-Sainte-Catherine, achevée en 1820.
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Commentaires
Je possède une ménagère(coutel lerie victoriennes) antique, environ 1920 dans une boîte en chêne avec 2 tiroirs. Sur le dessus de la boîte est inscrit le nom du propriétaire de la coutellerie, sur une plaque de laiton. Ce nom est Mendoza Langlois. Qui sait, peut-être que ma ménagère a déjà fait partie des meubles de votre belle maison!
Je voulais juste vous faire part de cette petite anecdote.
Bonne journée
Jacinthe Dunn