Si vous pensiez que la relève littéraire bat de l'aile à Outremont, détrompez-vous. Voici Simon Nadeau. À l'aube de la trentaine, l'écrivain et homme de lettres de chez nous, décrochait en 2013 le prix Gabrielle-Roy pour son livre L'Autre Modernité. Il signait là un audacieux essai sur les écrivains solitaires qui osent leur propre voix. Cinq ans plus tard, il passe au roman avec son troisième opus au titre, un brin provocateur, à tout le moins déroutant, L'Art de rater sa vie, qui sortira en librairie à la fin de février. Si son visage vous est familier, c'est que vous l'avez croisé à la Bibliothèque Robert-Bourassa, puisqu'il officie au comptoir des prêts les fins de semaine depuis six ans. C'est là même que nous l'avons rencontré.

Réussir
On le devine, son dernier livre pourrait aussi s'appeler de son contraire, l'art de ne pas rater sa vie. Avec des personnages fictifs, l'auteur nous entretient d'autres façons de « réussir » en suivant des voies hors des sentiers balisés. Dans cette œuvre à mi-chemin entre le roman et l'essai, le lecteur découvrira un auteur épris de liberté, pourvu d'une grande intelligence et doublé d'une bonne dose d'ironie. On sera captivé par ce « renversement des valeurs, tel qu'il le propose..., en menant à bonne allure une échappée du monde contemporain tel qu'il va », peut-on lire sur le site de la maison d'édition Boréal. Un livre non pas autobiographique, affirme-t-il, mais fortement inspiré de ses propres expériences.
Profession : écrivain
« Quand on décide de devenir écrivain, il faut être prêt à renoncer à beaucoup de choses, comme atteindre un certain standing, il faut accepter de vivre avec des revenus limités et avoir une vie qui laisse beaucoup de temps pour écrire », nous confie celui qui a fait de l'art beaucoup plus qu'un loisir. « Il faut aussi avoir le courage d'accepter de n'être rien au début, l'audace de miser sur une œuvre qui n'existe pas encore. », poursuit-il. En fait, tout ce qui va à l'encontre des valeurs actuelles de réussite sociale, professionnelle et financière pour être « quelqu'un ».
À 18 ans, il lisait déjà les Allemands Nietzsche, Goethe et Herman Hesse et le philosophe et poète américain Henry David Thoreau. Après des études en littérature française à McGill, l'auteur en herbe décline l'enseignement pour aller dans la création et l'écriture. « J'avais besoin de me confronter aux écrivains, de me situer au-delà de mes études, et ce, dès l'âge de 20 ans. On peut dire plus de choses avec l'écriture », ajoute-t-il. C'est probablement sa quête de liberté et son besoin de « communiquer en différé » qui vont donner un sens à son choix Il tient à ce que ses écrits aient une portée et il souhaite que ses lecteurs n'en sortent pas indemnes.
Les joies du promeneur solitaire
Son message: « il n'y a pas qu'une seule façon de réussir et d'être heureux comme celle que suggèrent les codes sociaux actuels » conclut-il. Il y a d'autres façons de vivre, de penser et de sentir. D'une certaine façon, il porte l'empreinte des Gaston Miron, Hubert Aquin et Saint-Denys Garneau qui ont fait l'objet de son essai L'Autre modernité, parce qu'ils ont choisi des chemins de traverse pour exprimer leur voix personnelle.
À la manière du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau, Simon Nadeau bat le pavé du XXIe siècle en solo, avec une nouvelle expérience de vie, celle de la richesse du contact de la nature et des rapports humains dans un certain dénuement. Un message d'une grande fraîcheur qui contraste avec le cynisme de notre époque.
L'Art de rater sa vie, Collection Liberté grande, Boréal, 280 pp.
Sortie en librairie fin février.
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