
Malheureusement, la plupart du temps, il le doit, mais c’est loin d’être la solution idéale. Un écrivain n’est pas nécessairement un amuseur public, peu s’en faut. Sans être médiatiques, certains auteurs arrivent tout de même à rejoindre leur public grâce à la puissance, à la pertinence ou à l’originalité de leur œuvre, mais ça reste une infime minorité. Pour un livre qui ressort de la masse, combien de centaines d’autres n’auront jamais la chance de se rendre à leurs lecteurs, si peu nombreus soient-ils. Dans beaucoup de cas, ces livres négligés mériteraient un meilleur sort. Mais que voulez-vous, nous sommes à l’ère de la best-sellerisation à tout crin : peu de titres vendent beaucoup de copies, beaucoup de titres vendent peu de copies. Et si vous ne vendez pas rapidement votre livre, il retourne tout de go dans l’entrepôt du distributeur avant d’être soldé ou carrément pilonné. Au cinéma, c’est le même phénomène : la première fin de semaine de sa sortie, le dernier film de James Bond a raflé 68 % de toutes les entrées dans les cinémas du Québec. Tout près de 7 personnes sur 10 qui sont allés au cinéma cette fin de semaine-là ont assisté à une représentation de Skyfall. Tous les autres films réunis ont dû se contenter du 30% restant, ce qui écourte dangeureusement leur durée de vie et diminue d’autant leur chance d’être appréciés du public. Les écrivains ont-ils le choix de composer avec les médias sociaux ? Je poserais la question différemment, dans le style shakespearien: est-ce que l’écrivain a le choix d’être ou de ne pas être de son époque ? Dans l’absolu, on a toujours le choix, sinon il faudrait enterrer la notion même de liberté et c’est hors de question de commettre un tel crime contre l’humanité. Alors, peut-on pasticher et lancer : sans médias sociaux, point de salut. Les médias sociaux, c’est l’agitation directe et instantanée avec tout ce que ça implique de superficialité et de populisme. L’opinion d’un spécialiste qui a étudié une question durant des années ne vaut guère plus que celle de n’importe quel facebookien ou twitterien qui décide de se prononcer sur la même question sans avoir fait les recherches et la réflexion qui s’imposent. Exit la nuance, le doute et l’approfondissement. Place au jugement éclair, à l’arbitraire et aux a-priori. Cette tendance risque d’amplifier encore plus l’anti-intellectualisme viscéral que l’on retrouve partout dans la société québécoise. Il ne faut surtout pas se prendre au sérieux même et surtout quand on s’attaque à des sujets qui n’ont rien d’anodin. Quitte à passer pour un dinosaure, j’exerce ma liberté et choisis de me tenir loin des médias sociaux. Pour être franc, je préfère d’emblée communiquer directement avec les gens, quitte à passer outre à une foule d’informations qui pourraient m’être utiles à la compréhension de la psyché humaine. De toute façon, je suis déjà assez bombardé d’informations de toutes sortes, je doute que je puisse en absorber plus.
Avez-vous l’impression que les médias mettent trop l’accent sur la personnalité de l’auteur et pas assez sur le livre ?
Les médias sont eux-mêmes en mode survie, ils doivent vendre de la copie s’ils veulent conserver ou augmenter leur lectorat et, par le fait même, leur part de revenus de la tarte publicitaire. La tentation est forte de glisser vers le spectaculaire. Le proverbe utile de l’époque : il faut bien vivre. Et ces quatre mots servent souvent à justifier toutes les dérives autant dans les médias que dans la société en général.
Divertissement non spectaculaire mais qui peut être drôlement enrichissant : Je connais et j’aime découvrir des romans d’écrivains québécois.
Voici le titre de cinq romans québécois publiés en 2012 : Espaces, En chemin je t’ai perdu, Les visages de l’humanité, Mayonnaise et Le jardin de ton enfance. Et leurs auteurs sont : Francine Noël, Éric Plamondon, Olivia Tapiero, Jean-Jacques Pelletier et Martin Robitalle.
À vous maintenant de démêler qui a écrit quoi. Et quand ce sera fait, si le cœur vous en dit, vous pouvez même vous aventurer à les lire.
Haïku no 5
Aube lumineuse —
l’œil s’ébaubit
devant cette toile matinale
Lectures recommandées :* Au beau milieu, la fin de Denise Boucher, un regard sans fard ni complaisance jeté sur la vieillesse, Qui de nous deux ? de Gilles Archambault, un témoignage bouleversant de l’auteur sur la mort de sa compagne avec qui il a partagé sa vie durant plus de cinquante ans et Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier, un récit magnifique où l’on fait la preuve que le goût de la liberté ne s’éteint pas avec l’âge.
* Rosa Candida de Audur Ava Olafsdottir, un roman empreint à la fois de délicatesse, de subtilité, de naïveté et de profondeur. Une lecture à savourer doucement et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.