PHOTOS LE JOURNAL D’OUTREMONT
Les renseignements ci-dessous sont tirés du Répertoire des rues d’Outremont et leurs histoires par Ludger Beauregard, une publication de la Société d’histoire d’Outremont (2015, 280 pages, reliure spirale). Il est possible de se procurer ce titre au montant de 25 $ en composant le 514 271-0959. histoireoutremont.org
L’odonymie fait aujourd’hui partie intégrante du paysage urbain. Elle nous renseigne tout particulièrement sur les étapes qui ont marqué le développement d’une municipalité. À chaque numéro du journal d’Outremont, avec l’aimable collaboration de la Société d’histoire d’Outremont, nous retraçons l’histoire d’une rue d’Outremont.
L’avenue Dunlop possède de vieux antécédents. Elle suit le tracé d’un chemin de terre, qui conduisait à un dépôt de munitions, cartographié en 1868. La carte de Henry W. Hopkins, en 1879, montre le même chemin, mais cette fois à la bordure orientale de la petite propriété de la famille Dunlop sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine (partie du lot 44). En 1903, Frances Elizabeth Dunlop lotit des terrains donnant sur le chemin Dunlop, qu’elle demande à la municipalité de prendre en charge. Ce n’est cependant que le 7 octobre 1908 que le conseil municipal décide d’en faire un chemin public. Le plan de ville de Duchastel (1909-1911) montre très bien le premier tronçon de l’avenue Dunlop, qui va alors du chemin de la Côte-Sainte-Catherine jusqu’à mi-chemin entre Kelvin et Lajoie d’aujourd’hui. Il se distingue actuellement par sa relative étroitesse (52 pieds de largeur au lieu de 66 plus au nord), et la présence d’arbres entre la chaussée et les trottoirs.
Les premières canalisations d’eau et d’égouts sont installées, en 1911, en descendant du haut de la saillie rocheuse, où se trouve le 640 de l’avenue, vers le chemin de la Côte-Sainte-Catherine. Cet aménagement a permis à Jules-A. Duchastel de Montrouge, ingénieur et gérant de la Ville depuis 1906, d’y construire cette grande résidence. Une fois que la succession Pratt eût cédé le terrain requis pour ouvrir la rue jusqu’à Lajoie, en 1922, la Ville procéda à la pose des canalisations du numéro 645 vers le nord jusqu’à North (du Manoir auj.). Les travaux d’aménagement de la rue ont duré jusqu’en 1927.
Odonyme perpétuel
En octobre 1903, Frances Elizabeth Dunlop offrait de vendre à la Ville un terrain de 52 pieds sur 671 pour l’ouverture d’une rue, qui porterait le nom de Dunlop à perpétuité. Son frère, William Wallace, était alors maire de la municipalité. Le conseil municipal accepta l’offre cinq ans plus tard, alors que William Wallace Dunlop était de nouveau maire.
L’avenue Dunlop rappelle le nom de la famille qui a été propriétaire du lot 44 et ensuite d’une partie de ce lot pendant la deuxième partie du XIXe siècle. William Wallace Dunlop, fils de l’avocat Charles John Dunlop, décédé en 1872, a été maire d’Outremont à quatre reprises entre 1878 et 1910. Il avait précédemment participé à la première réunion des électeurs du village d’Outre-Mont, en 1875, au cours de laquelle il avait été un des six proposeurs des membres du conseil municipal.
Cadre bâti
L’avenue Dunlop compte quelque 80 habitations bâties entre 1906 et 1988. La plus ancienne, une petite maison carrée en brique rouge peinte en blanc, sise au numéro 632, a eu comme architectes L.-Z. Gauthier et J.E.C Daoust, qui concevront un peu plus tard l’église Saint-Viateur. Elle a été rénovée en 1962. La plus récente, sise au coin de Van Horne au numéro 802, tranche par son volume, sa brique et son architecture bizarre, sans rapport avec le milieu environnant: un affront au patrimoine comme il y en a quelques autres sur le territoire! Sept bâtiments sur dix datent de la décennie 1920 et 90% sont antérieurs à la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit de maisons unifamiliales jusqu’à l’avenue Ducharme et bifamiliales plus au nord.
Du chemin de la Côte-Sainte-Catherine à Lajoie, le premier segment de l’avenue comprend une vingtaine de résidences, les plus impressionnantes se trouvant sur la saillie du coteau au-delà de Kelvin. Les 636 et 640 ont été conçues en 1913 et 1912 respectivement par les architectes Cox & Amos pour Charles-Henri Branchaud, financier, et Jules Duchastel. La première occupe un site remarquable et frappe par sa grandeur, sa façade géométrique et sa très belle corniche.
La seconde, sise au sommet de l’éperon, a été modifiée à plusieurs reprises, mais demeure intéressante par son style et son volume. À l’origine, elle était orientée vers le nord en fonction du prolongement éventuel de l’avenue Lajoie, Dunlop se terminant alors à cette propriété. Le 675 domine nettement le petit sommet de plus de 300 pieds d’altitude depuis 1925. La grande résidence de J.-A. Durocher, dessinée par les architectes Viau & Venne, se distingue par son entrée majestueuse, sa tourelle centrale et son toit d’ardoise. Elle a dernièrement subi une complète rénovation. Outre ces grandioses habitations, on peut admirer plusieurs autres beaux cottages tels que le 630, bâti en belle pierre (J.-Z. Gauthier, arch., 1935), 676 (Z. Trudel, arch., 1928), 690 (R. Charbonneau, arch., 1926), 615, 625, 641 (J.-Z. Gauthier, arch., 1945) et 685 (Perreault & Gadbois, arch., 1924). L’ensemble du tronçon forme, le relief aidant, un beau paysage architectural.
De Lajoie à Van Horne, une quinzaine de cottages, plusieurs en brique sombre, font face au parc Pratt. Plus d’un a une entrée de côté, ce qui laisse une façade plutôt sévère sur la rue. Ceux qui présentent un porche ou une galerie devant paraissent plus agréables à voir. Ils offrent ensemble une grande homogénéité formelle, qui a été favorisée par le fait que plusieurs ont été construits par le même entrepreneur, Bermner & Norris. On peut néanmoins signaler quelques maisons remarquables, par exemple les deux magnifiques cottages aux 717 et 723 de l’avenue, bâtis en 1935 et 1939 d’après les plans de Joseph-Zéphirin Gauthier, ainsi que les 729, 751 et 759.
De Van Horne a Ducharme, on retrouve beaucoup de cohérence du côté est, plus de variété du côté ouest. Les architectes Perreault & Gadbois ont conçu dix cottages jumelés (815-857) que les entrepreneurs Guidazio & Besozzi ont construits en 1923, ce qui semble avoir donné le ton au développement du côté oriental. À voir de l’autre côté les 810, 830 versus 832, 860 et 814-816 défigurés.
De Ducharme à l’avenue du Manoir, une vingtaine de duplex, parmi lesquels s’insère un beau cottage (918), bordent la rue. Certains sont réussis et bien conservés, dont les 900, 910-912, 928-930, 940-942 et 956-958. L’ensemble ne manque pas d’harmonie. Bref, Dunlop, un vieux chemin historique, une rue bien nommée, une avenue agréable!
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