L’odonymie fait aujourd’hui partie intégrante du paysage urbain. Elle nous renseigne tout particulièrement sur les étapes qui ont marqué le développement d’une municipalité. Avec l’aimable collaboration de la Société d’histoire d’Outremont, nous retraçons l’histoire d’une rue d’Outremont.
Les renseignements ci-dessous sont tirés du Répertoire des rues d’Outremont et leurs histoires par Ludger Beauregard, une publication de la Société d’histoire d’Outremont (2015, 280 pages, reliure spirale). Il est possible de se procurer ce titre au montant de 25 $ en composant le 514 271-0959. histoireoutremont.org
En 1916, l'arpenteur-géomètre Gabriel Hurtubise présente aux gestionnaires de la succession de John Pratt un projet de subdivision du lot 44, qui prévoit le tracé d'une nouvelle rue à l'ouest de l'avenue Dunlop, mais sans l'identifier. Quatre ans plus tard, ceux-ci offrent à la Ville, en échange d'une lisière de terrain cédée en 1910, l'espace nécessaire à l'ouverture d'une avenue de 66 pieds de largeur sur 800 pieds de longueur, entre les avenues Lajoie et Van Horne, à la condition qu'elle porte le nom de Pratt à perpétuité, ce que le conseil accepte à sa réunion du 2 février 1920. C'est ainsi qu'est née l'avenue Pratt. En octobre de l'année suivante, ils offrent le terrain requis pour son prolongement entre Van Horne et le chemin Bates, conformément au plan de lotissement. L'acte de cession est signé le 4 janvier 1922.
L'enfouissement des canalisations d'eau et d'égout s'effectue, en 1920, entre Lajoie et Van Horne. Il reprend en 1923, jusqu'à North (auj. du Manoir) et se prolonge, en 1929, pour atteindre le chemin Bates. Le pavage de la chaussée a suivi à peu prêt les mêmes étapes.
L'avenue porte le nom imposé par les cédants du terrain dans le but de perpétuer la mémoire de John Pratt. Celui-ci est le fils de Jean-Baptiste Duprat d'origine française et de Louise Payet, qui habitent Berthier, où le père exerce le métier de forgeron. Jean Duprat, né en 1812, y fait ses études et, en 1833, avec son frère aîné, Charles-Ferdinand, s'en va ouvrir un commerce à Québec sous le nom de Pratt & Co. En 1836, ils achètent deux lots dans la seigneurie du cap de la Magdeleine, qu'ils vendront dix ans plus tard. Le 1er août de la même année, ils ouvrent un second commence à Trois-Rivières. En 1839, John fonde à Montréal, au 175 de la rue Saint-Paul, sa propre entreprise, la John Pratt & Co., spécialisée dans la vente de vêtements et d'articles en cuir. En 1840, il épouse Mathilde Roy, une jeune veuve de 20 ans, qui lui donnera sept enfants. Il devient par la suite un homme d'affaires prospère, qui investit dans l'immobilier, le commerce, les banques, les transports et l'industrie. À son décès à l'âge de 64 ans, Jean Duprat alias John Pratt était devenue l'un des plus riches Canadiens français de son époque sous un nom anglicisé. Il habitait alors une grande résidence en pierre au 310 de la rue de la Gauchetière à Montréal.
De son vivant, John Pratt avait acquis la ferme Murray (lot 33) à Outremont, qui fut vendue 12 000$ aux Clercs de Saint-Viateur, en 1886, par les administrateurs de sa succession. Ce sont eux qui y achetèrent le lot 44 en 1892 et le mettront en valeur au XXe siècle. En 1910, Charles-Édouard Gravel succède à son père Joseph-Ovide, comptable, comme principal exécuteur et administrateur de la succession Pratt et devient conseiller municipal d'Outremont de 1925 à 1932. Il sera remplacé de 1932 à 1943 par Georges-Arthur-Frédéric Pratt, courtier d'assurances, lui-même administrateur de la succession de son grand-père. Celui-ci habitait au 734 de l'avenue Pratt.
Parc Pratt
Le 5 juin 1929, la succession de John Pratt offre à la Ville d'Outremont un terrain de 300 pieds sur 242 (72 600 pieds carrés) pour 39 930$, mais la municipalité se dit plutôt intéressée à tout le quadrilatère Lajoie-Dunlop-Van Horne-Pratt (192 000 pieds carrés) pour en faire un parc. Le 3 juillet 1929, la succession Pratt lui vend ledit espace pour 100 000$. L'année suivante, le 18 juin, le conseil municipal donne le nom de John Pratt au nouveau parc.
L'aménagement de l'ancien terrain de golf relève de l'ingénieur et gérant de la Ville, Émile Lacroix, assisté de l'architecte paysagiste, Aristide Beaugrand-Champagne, et de l'horticulteur, Thomas Barnes. Ceux-ci profitent du relief du terrain – une dénivellation d'une cinquantaine de pieds – pour créer un splendide paysage où serpente un cours d'eau canalisé, qui alimente deux grands bassins, grâce à un système de pompage d'eau en profondeur localisé dans le chalet.
Le parc s'avère un joyau d'aménagement paysager, une richesse de l'arrondissement d'Outremont.
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