Les bottes de sept lieues d’Aram
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- Publication : 10 février 2021
- Par Sylvie Halpern
Vous les croisez dans la rue, vous fréquentez leur petit commerce, peut-être même que l’un d’eux est votre voisin. Et ils ont souvent un chemin de vie hors de l’ordinaire. Notre collaboratrice Sylvie Halpern vous propose d'aller à la rencontre des gens d’Outremont.

Quand adolescent après l’école, Aram Almajian apprenait le métier de cordonnier auprès de son père sous le soleil ardent de Damas, en Syrie, il ne s’imaginait pas qu’un jour à l’autre bout du monde, ses voisins lui demanderaient d’aiguiser leurs patins ! Pourtant, très vite après avoir immigré au Québec en 2002 avec sa femme Sylva et leurs trois garçons, Aram a pris le goût de l’hiver et de la neige à pelleter. Et beau temps mauvais temps, il n’hésite pas à couvrir à pied la distance qui sépare le chemin Bates où il habite aujourd’hui de sa cordonnerie Paris, sur l’avenue Van Horne.
Une bonne odeur de cuir flotte dans la boutique bien rangée de ce grand homme réservé qui semble avoir chaussé des bottes de sept lieues pour s’adapter à son nouveau pays. Il lui a suffi d’un court séjour en 2000 pour qu’il sente très vite que Montréal serait sa ville parce qu’il y a vu un avenir radieux pour ses enfants. Trois mois après son arrivée, déjà bien francisé, il rachetait à son propriétaire grec un commerce qui existait depuis une cinquantaine d’années et il lui a donné des ailes.
Aram n’a pas changé le nom de la boutique, au contraire : «Il y a beaucoup de Français dans le quartier, ça leur fait plaisir !» Mais à ses débuts, quand il faisait encore de belles bottes en cuir sur mesure comme son père le lui avait enseigné, c’est surtout la communauté hassidique, attachée à cette tradition, qui l’a lancé. Plusieurs clients sont même spécialement venus de New-York, attirés par son talent.
L’univers du cordonnier ne se limite pas à la communauté arménienne et il fréquente peu l’église de l’avenue Stuart. Mais il n’a pas hésité à parrainer une vingtaine de ses coreligionnaires depuis que la guerre civile a éclaté en 2011 en Syrie. Peu enclin à parler politique, à 66 ans, Aram préfère regarder de l’avant. Et il est fier : «D’abord et avant tout, parce que mes trois garçons ont formidablement bien réussi».
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